Posté le 13/11/2006 � 00:17

Bonjour Poulpi,
Tout d’abord, je suis flatté de faire réagir même ceux qui s’étaient retirés du forum au point de les amener à y réintervenir. Ce que j’ai pu écrire à donc au moins un côté positif : provoquer le remue-méninge. C’était là tout l’objectif : faire réfléchir.
De ce point de vue, ton post est tout à fait intéressant et tu as cité un terme essentiel ; tu l’as même mis en capitales : VOCATION. En parcourant le forum, j’en ai vu beaucoup qui, semble-t-il, songeaient aux ESSA pour les études payées, l’encadrement (scolaire), ou je ne sais quoi encore, mais qui visiblement ne se posaient aucune question sur le « après les études » (si ce n’est celle de « comment on démissionne ? »). Mais, quand même, si on passe le concours ESSA, ce n’est pas pour les ESSA elles-mêmes : c’est bien pour devenir médecin militaire ! Et combien se sont réellement posé la question de savoir si c’était cela qu’ils voulaient faire, si telle était, pour enfin employer le terme, leur vocation ? Certains l’ont fait, visiblement. On sent que c’est là leur véritable objectif, leur motivation première. Mais beaucoup ne semblent pas avoir emprunté ce chemin. À ceux-là je dis posez-vous la question : « médecin MILITAIRE (le mot est important), est-ce que c’est réellement ce que je veux faire ? Est-ce assurément ma vocation ? ». Parce que si la réponse est non, ou même incertaine, passez tout de suite votre route !
Deuxième point, la vocation est donc la raison qui doit pousser les gens à passer le concours. Elle est immanquablement nécessaire. Mais est-elle suffisante ? Cela dépend… Je crois que personne ne se réveille un matin en disant « je veux faire médecin militaire, je suis sur cette terre pour cela ! » La vocation pour un métier, une carrière, une activité, nait de ce que l’on peut apprendre sur eux. Elle nait parce que l’on voit que ce qu’ils apportent correspond à ce que l’on attend. Tout le problème est donc celui de l’information. Et c’est là que les choses pèchent. Car que savez-vous de la carrière de médecin militaire ? Ce que vous en disent les belles plaquettes de l’institution, forcément impartiales (c’est beau servir l’État…), ou ce que vous racontent les élèves des ESSA, forcément impartiaux également, tant parce qu’ils ne savent eux-mêmes pas tout (sauf ceux qui ont un frère médecin des armées

), que parce qu’ils ne peuvent pas tout dire. Or je crois que la moindre des choses, lorsque l’on veut prendre une décision qui va engager sa vie entière, c’est bien de juger à charge et à décharge. Évidemment, encore faut-il que cela soit possible. C’est pour cette raison en particulier que je vous ai mis les liens sur les rapports parlementaires (et si jamais un des modo veut les clouer en haut de forum, qu’il ne se gène pas) : on ne peut au moins pas les accuser d’impartialité, et s’ils n’expliquent pas tout, ils donnent au moins une partie des faits et des problèmes. Tout ça pour dire que si votre vocation est réelle, foncez… mais assurez-vous qu’elle le soit bien et ne soit pas seulement un château construit sur le sable des beaux clichés.
Troisième point, si on rentre par vocation, quelles sont les raisons pour lesquelles on sort ? Je crois, Poulpi, que tu fais une grosse erreur en mettant en avant quasi exclusivement les raisons financières. Je n’ai d’ailleurs jamais fait allusion à cet aspect dans mes posts, sauf pour dire que c’était un plus pour le civil, ce qui n’en fait pas un moins pour le militaire. Entre parenthèses, je ne suis surtout pas parti pour cela, puisque je n’exerce pas (deuxième vie, deuxième activité) et que mon compte bancaire est plutôt moins rempli qu’avant. À dire vrai, je trouve même que le côté gros sous est, dans un certain sens, plutôt à l’avantage du système. Tu serais en fait surpris de savoir que pour beaucoup de camarades avec qui j’ai discuté, c’est même le contraire de ce que tu penses : c’est l’argent qui les empêche de partir ! Combien de fois ai-je entendu le discours « je me casserais bien, j’en ai ras-le-bol, mais j’ai les études de mes deux gamins à payer », ou quelque chose dans le genre. Parce qu’en réalité, l’idée d’aller visser sa plaque à 40-45 ans fait hésiter beaucoup de monde. La peur de l’inconnu, que ça ne marche pas… Par contre, ceux qui franchissent le pas et s’installent ne le regrettent pas, c’est sûr : activité médicale + pension = la vie est belle. Petite remarque quand même : ce que je dis concerne surtout les généralistes, parce que les spécialistes ils rechignent beaucoup moins à partir. Tout cela paraît paradoxal, encore une fois. Mais ça montre surtout que les raisons sont complexes et ne peuvent se résumer aux aspects financiers. Les gens qui partent en ont ras-la-casquette, c’est sûr, mais ce n’est pas toujours facile de savoir pourquoi. Ce qui revient le plus souvent, c’est peut-être le manque de reconnaissance, quelle que soit la manière dont chacun la ressent. Mais il y a aussi la lassitude. Tu fais l’apologie des OPEX et du soutien du combattant. Oui, mais tu ne passes pas ta carrière en OPEX et le soutien du militaire dans son unité, qui est quand même, dans la plupart des affectations, l’activité la plus importante dans une carrière, c’est nettement moins glorieux. Et puis d’un autre côté, j’ai des camarades qui sont partis parce qu’ils en avaient marre des OPEX : quand tu as passé trois Noëls au fin fond du Kosovo et qu’au quatrième tu demandes à tes chefs s’ils ne pourraient pas penser à quelqu’un d’autre, histoire que tu aies un petit Noël avec tes enfants, mais qu’ils te disent que les intérêts personnels passent après les besoins du service (sachant que ceux qui te font ce genre de discours sont bien souvent des anciens spécialistes qui n’ont jamais foutu les pieds hors de leur service hospitalier), tu finis par en avoir marre. Ne crois pas que ce soit uniquement un exemple théorique : j’ai un camarade de promo qui est parti pour cela et qui est maintenant médecin libéral à Périgueux. Et puis j’ai beaucoup d’autres exemples dans le genre. Alors la vocation c’est très bien, mais de la vocation à l’abnégation il y a un pas à franchir et après 10 ou 15 ans de carrière on a envie d’entendre autre chose que le trop fameux « un militaire ça doit être dispo 24h sur 24 ». Enfin, comme tu dis, il y a aussi des gens qui se trouvent très bien dans le système. Les goûts et les couleurs, n’est-ce pas…
Désolé pour ce post un peu long ! Mais je sais que je ne découragerai que ceux qui, justement, n’ont pas la vocation !
P. S. : ils y a plus de 6 millions de fonctionnaires en France (et je ne parle même pas de la fonction publique hospitalière ou territoriale) et il faut donc arrêter de croire qu’il n’y a que les militaires qui servent l’État…
P. S. 2 pour Psykomil : je ne suis pas certain que tu puisses répondre à la place des médecins… Ce que tu écris, c’est, là encore, la belle présentation, la vue de l’extérieur, ce qu’on pourrait mettre sur une plaquette. Mais pour juger vraiment, il faut avoir le recul dans la durée. Le côté humain du métier et l’expérience hors du commun, certes. Mais c’est curieux, parce qu’après quelques années il y en a plein qui veulent faire du SAT (service à terre). Ce n’est d’ailleurs pas vrai que pour les médecins, il me semble. La mer, ça doit user !