Posté le 12/10/2007 � 09:42

- « Adopter » les nouveaux en leur faisant vivre ce qu’on a vécu, partager la même expérience, resserrer les liens entre eux (« ils se serrent les coudes »)
Comment se transforme cette riche expérience quelques années plus tard (cf Je suis morte et je n’ai rien appris de Colleter) ?
Pourquoi transmettre absolument des pratiques humiliantes (« il n’y avait pas de slips avant, on était entre hommes ») ? Est-il nécessaire de reproduire à petite échelle le syndrome de l’enfant maltraité qui devient parent maltraitant par amour. N’y a-t-il pas d’autres façons de créer des liens forts puisque « ce n’est pas par instinct sadique » qu’agissent les bizuteurs qui deviendront ensuite de précieux alliés ?
"Pourquoi transmettres des pratiques humiliantes": il serait bon de développer, de citer des exemples pour éclaircir un terme fort et partisan. Où commence l'humiliation ? Ne sommes-nous pas tous, en fin de compte, d'éternels humiliés dans notre quête du bonheur ?
Vous nous demandez si on ne peut trouver autre chose... mais cela est fait ! Des activités de cohésion ont été proposées (tel qu'un parcours d'audace à Bordeaux). La loi anti-bizutage de 1998 a certes forcé la réflexion sur l'intégration mais cette réflexion existe et est prise très à coeur !
Ce fait répond à votre question sur "qu'en garde t'on ?" Je ne pourrai répondre sur ceux ayant vécu le bizutage avant 1998. Certes, certains en gardent de bons souvenirs, mais indéniablement d'autres ressacent d'éternelles souffrances... Après 1998 l'Accueil a t'il diminué le nombre de "traumatisés" ? Je le pense.
- Apprendre à apprendre vite et beaucoup
Dans des conditions stressantes, améliore-t-on sa mémoire ? Les chants paillards sont-ils représentatifs de ce qu’on apprend en médecine ? La P1 est-elle la seule année dans les études supérieures françaises où l’on doit se bourrer la tête de « 1m50 » de cours ?
Dans des conditions stressantes, améliore-t-on sa mémoire ? Oui. De nombreuses réactions biochimiques, endocriniennes permettent un meilleur apprentissage, c'est pour cela qu'il est bon d'être stressé lors des ses examens. Mais bien évidemment, gare à l'emballement de la machine !!!
Les chants paillards sont-ils représentatifs de ce que l'on apprend en médecine ? Ils ont au moins le mérite de faire un rapide topo sur l'anatomie de l'appareil uro-génital... Au delà de cela ils représentent un certain folklore carabin qui se doit d'être maintenu.
La P1 est-elle la seule année dans les études supérieures françaises où l’on doit se bourrer la tête de « 1m50 » de cours ? Je dirai non, il y a les huit autres années de médecine... Au delà de cette réponse, quel est l'objet de la question: "dans d'autres études longues, il n'y pas d'accueil, donc pourquoi en médecine ?"
- Se préparer aux conditions éprouvantes de la fac
Comment peut-on accepter que perdure une situation dénoncée par Winckler dans les Trois médecins et qui dure donc depuis 30 à 40 ans ? Les anciens ne pourraient-ils pas jouer un rôle pour lutter contre le manque de respect de l’autre dont vous citez des exemples dans les amphis ? Est-ce que toutes les facs de France connaissent cette ambiance ?
Martin Winckler aborde deux aspects dans son livre: le côté institutionnel des études de médecine et le côté carabin. Sa description du mandarinat est bonne et l'institutionnalisation des études de médecine perdure mais... nous n'y pouvons rien ! La solution est politique.
Sa description de la première année est extrêmement touchante pour ceux qui l'ont vécu. Les souvenirs affluent... Rien n'a changé... mais cela peut-il changer ? Le concours et toute la pression mise derrière lui (familiale, sociale, personnelle) force chacun à un individualisme forcené, "la bête ressurgit", tous les coups sont permis car les places sont chères. Depuis quelques lignes vous vous interrogez sur les "traumatisés" de nos erzats de bizutage. Mais, je pense, qu'il serait bon également de se pencher sur ces milliers de "traumatisés" de la première année de médecine. Je pense qu'alors le débat serait modifié. Un échec n'est jamais facile à encaisser. Alors quand, en plus, il arrive après une ou deux années d'efforts intenses il est plus que douloureux.
Martin Winckler aborde ensuite la description du bizutage carabin. Si le folklore faluchard perdure (mais les faluchés sont volontaires, on ne va pas les chercher), le bizutage sur les P1 est terminé, en tout cas à Bordeaux. Par contre, la pression des doublants sur les primants perdure, concours oblige...
- Se préparer à un métier difficile où la pression psychologique peut être rude.
Comment expliquer que des formations à des métiers difficiles par les responsabilités et les décisions humaines qu’ils impliquent ne connaissent pas le bizutage (magistrature, haute fonction d’état) et que des formations qui débouchent sur des métiers ne demandant pas de ressources psychologiques particulières comme ingénieur sont réputées pour des bizutages sous leurs plus vilaines formes ?
Remarque Hors-Sujet. Demandez aux ingénieurs...
-Utiliser les brimades comme rite d’initiation, il va falloir quitter le lit douillet de l’enfance « pas de collier de fleurs et de yukulélé »
Intéressant, les ethnologues regrettent parfois la disparition ds nos sociétés des rites initiatiques présents ds les sociétés primitives. Mais replaçons dans le contexte. L’adolescent(e) né(e) en 1989 voire 1990, protégé(e) par une éducation qui n’est pas celle de la génération précédente, sortant d’études secondaires peu traumatisantes puisque ce sont de très bons élèves ; anxieux et conscient de la gravité de son choix(que de questions naïves ou très mûres sur la carrière ds ce forum) débarque au cours du mois d’août alors que le pays sommeille, dans l’école de ses rêves, but d’une année de travail intense (cf la mention des efforts fournis par ceux qui préparent le concours ds le forum), loin de l’univers affectif qui lui a permis de se construire jusque là. Peut-on et doit-on les immerger sans préavis « on ne va quand même pas tout vous annoncer », , « vous ne connaissez pas l’heure de votre mort » dans un univers inquiétant et anxiogène ? Comment est perçue l’épreuve que l’on a préparée à froid par quelqu’un dont on n’a pas encore fait connaissance ? Quel ressort va-t-on activer ?
Cette réflexion ne s'étaye que sur des données sociales. C'est parce que notre société est une société du coocooning que cette étape est mal vécue. Il y a cinquante ans, à 18 ans, on pouvait se faire égorger et émasculé dans les Aurès... La société a changé, "changons". Mais l'Institution ne doit-elle pas rester insensible à ces mutations pour rester un ciment utile ?
Quand se termine l'enfance ? Comment doit commencer l'âge adulte ? La crise d'adolescence ne serait-elle pas alors la représentation extrême du caprice enfantin ? A une époque où la limite enfant/adulte est de plus en plus effacée (syndrome de l'adulescent; la victime, éternel enfant de la République) il est normal que l'intégration provoque de tels remous. Cependant la réflexion ne peut être que globale.
- Ceux qui partent sont des idiots. Ca rappelle à l’humilité.
Comment êtes-vous sûrs que ce sont les plus idiots qui partent ? Quelle est votre légitimité à établir ce critère de sélection ?
L’humilité par l’humiliation ? Est-ce la bonne humilité celle de celui qui connaît ses insuffisances ou celle qui se transformera ensuite en sentiment de supériorité définitif ?
Qui parle "d'idiots" ? Qui sommes-nous pour traiter des gens "d'idiots" ? Peu motivés peut-être, faibles peut-être, mais pourquoi "idiots" ?
L'adolescent de 2007 est il humble ? Là est la question... L'enfant roi pointe son nez... Premier de sa classe, bachelier avec mention, admis dans une grande Ecole, il lui faudra rapidement descendre de son piédestral familial, social, personnel, pour aborder des études dures où l'humilité sera son bouclier.
- Respecter les anciens c’est respecter la hiérarchie.
Quel respect ? Dans quelles circonstances ?
Mixons la remarque et modifions le débat: pourquoi respectez-vous le gendarme qui vous arrête au bord de la route ? Si ce gendarme est votre ami, il vous arrête. Quel respect ?
-Il y a pire ailleurs. On n’en meurt pas.
Est-ce que le pire légitime l’inacceptable ? On ne meurt pas de beaucoup de choses qui font souffrir, sont-elles souhaitables et utiles pour autant ?
Qui définit ce qu'est l'inacceptable ? Comment le définit-t'on ? Et vous, pouvez-vous le définir ? Pour vous, oui, mais pour l'Autre ?
Et puis, malheureusement en ce 21ème siècle, on meurt de trop de choses qui font souffrir...
- Il faut s’endurcir pour les opérations extérieures à vivre dans 7 ou 8 ans. Nos intentions sont louables « nous avons une conscience morale ».
Alors il faut s’interroger sur la méthode d’endurcissement et se demander jusqu’où on va ? La réflexion semble avoir été menée de façon très approfondie par Anne Claire à Bordeaux et à Lyon (mêmes élèves même formation, il ne s’agit pas d’opposer les écoles ) ? Que penseriez-vous de ces pratiques éducatives qui viseraient à endurcir ses enfants pour les préparer à la vie et à ses épreuves : les priver de manger 1 ou 2 jours,utile pour les vaches maigres de leur existence ; couper le chauffage l’hiver, l’énergie manquera demain ; faire assister la fille qui a ses règles pour la 1ere fois à un accouchement difficile, elle en prend pour 40 ans de féminité douloureuse ; simuler le mort devant son enfant pour qu’il comprenne qu’un jour il perdra ses parents? Exagérés, sans rapport avec le sujet… pas si vous le reliez à la question comment se préparer au pire ?
La réflexion sur l'endircissement a été menée. Elle abouti sur un compromis très honorable au vu des réactions des jeunes sur ce forum.
J'aimerai juste revenir sur votre dernière réflexion. Vous nous renvoyez à l'enfance alors que l'intégration concerne des adolescents/jeunes adultes. C'est insérer inutilement un peu de patho...
[Edité le 12/10/07 par cdmdu]