Posté le 26/09/2007 � 08:19

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Propriété des officines en Europe
Le modèle français est-il condamné ?
L'Europe fera-t-elle voler en éclats le principe, en vigueur dans 14 des 27 pays de l'Union, selon lequel seul un ou plusieurs pharmaciens peuvent posséder une pharmacie ? Si certains « ultralibéraux » poussent à cette évolution, elle est pourtant loin d'être inéluctable, estiment de nombreux responsables de la profession.
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L'Europe de la pharmacie coupée en deux (photo Afp)
EN JUIN 2006, l'Autriche, l'Italie et l'Espagne ont été mises en demeure par la Commission européenne de « justifier » leur règlementation sur la propriété des officines, réservée aux pharmaciens, et jugée contraire aux traités européens sur la libre concurrence.
Moins d'un an plus tard, la France rejoint pour la même raison ces trois pays sur le banc des « accusés », et attend, elle aussi, depuis cette date, une réponse de la Commission à ses justifications. Concrètement, soit la Commission se satisfait de ces explications, soit l'affaire est transmise à la Cour européenne de justice, dont l'arrêt sera sans appel.
La fermeté de l'Allemagne. L'Allemagne, pays dans lequel la propriété des officines est elle aussi réservée aux seuls pharmaciens, redoute à son tour d'avoir à se justifier pour les mêmes motifs. Ce pays voisin a d'ailleurs récemment anticipé une éventuelle mise en demeure : son gouvernement a ainsi, cet été, catégoriquement rappelé son attachement à la réglementation actuelle, soulignant qu'elle favorise une meilleure répartition des officines et le maintien d'un service de qualité. Cette prise de position est importante car, même si la Commission européenne et la Cour européenne de justice fonctionnent de manière indépendante, elles ne peuvent pas ne pas tenir compte des avis des « poids lourds » de l'Europe que sont l'Allemagne ou la France. Ce qui accroît, justement, le trouble des pharmaciens français, après les déclarations récentes de Nicolas Sarkozy sur les «rentes de situation des professions réglementées», visant notamment les pharmacies.
En attendant des réponses de la Commission, et un éventuel transfert des affaires devant la Cour européenne de justice – ce qui est déjà le cas pour l'Italie –, les pharmaciens ne devraient toutefois pas trop s'inquiéter face à l'avenir, estime le président du Groupement pharmaceutique de l'Union européenne (Gpue), le lobby officiel des officinaux auprès des institutions européennes, installé à Bruxelles. C'est l'Autriche qui détient actuellement la présidence du Gpue, et c'est un pharmacien viennois, Leopold Schmudermaier, par ailleurs vice-président de l'Ordre et président des pharmaciens d'officine autrichiens, qui le préside jusqu'à la fin de l'année (lire ci-contre son interview).
A l'heure actuelle, comme le montre un tableau réalisé par le Gpue (voir ci-dessus), 14 des 27 Etats membres de l'Union européenne réservent la propriété des officines aux seuls pharmaciens. Dans les 13 autres pays, n'importe qui peut posséder une pharmacie, et ce sont le plus souvent des chaînes qui possèdent plusieurs officines. Cette «Europe coupée en deux» reprend, à quelques exceptions près, l'ancienne séparation entre l'Ouest et l'Est : dans les pays d'Europe occidentale, à l'exception des îles britanniques, de la Belgique et, depuis peu, des Pays-Bas, la propriété des pharmacies est réservée aux pharmaciens. Dans les anciens pays de l'Est, qui se caractérisaient autrefois par leur chaîne unique de pharmacies d'Etat, les chaînes privées ont pris le relais après quelques années de transition, sauf en Bulgarie et en Slovénie. Quelques pays ont adopté des solutions intermédiaires ou se distinguent par leurs particularismes : la Suède dispose encore d'une chaîne d'Etat avec des pharmaciens salariés, tandis que l'Autriche et Chypre permettent aux non-pharmaciens de détenir, au maximum, 49 % du capital d'une officine, l'Espagne autorisant 25 % au maximum. Enfin, le Gpue réunit trois pays non membres de l'UE, la Norvège et la Croatie qui autorisent les propriétés pour tous, et la Turquie qui les réserve aux pharmaciens.
Il est intéressant de constater, par ailleurs, une autre ligne de fracture entre les pharmacies européennes, à savoir celle de la régulation ou non par des quotas de population, autrement dit le numerus clausus d'installation : 15 pays de l'Union européenne, dont la France, connaissent ce système, 9 n'ont aucun quota et 3 ont un système régulé uniquement par une accréditation auprès du système de santé national. Les pays à quota et ceux où la propriété est réservée aux pharmaciens se superposent presque toujours, sauf en Allemagne et en Bulgarie où il faut être pharmacien pour posséder une pharmacie, mais ou il n'y a pas de quota, l'inverse existant en Belgique (quotas sans obligation d'être pharmacien).
Des arguments à faire entendre. Pour Leopold Schmudermaier, ce paysage très contrasté ne devrait pas évoluer brutalement : il est fréquent que la Cour émette des jugements nuancés, mais cela ne veut pas dire, bien au contraire, que les pharmaciens doivent attendre ces jugements les bras croisés : il importe qu'ils travaillent tous ensemble, dès maintenant, avec les Etats concernés pour argumenter leur position. En Autriche, explique-t-il, le principe des quotas a aussi été remis en cause par la Commission, contrairement aux autres pays, mais le gouvernement autrichien, en répondant que cette situation est strictement commandée par des impératifs de santé publique, devrait normalement pouvoir faire tomber rapidement cette « accusation » de la Commission, espère-t-il.
Cela sera sans doute plus délicat pour la propriété exclusive des pharmacies mais, même en cas de levée partielle ou totale de cette règle, les gouvernements nationaux auront encore leur mot à dire puisque la politique de santé n'est pas une compétence communautaire. Pour lui, si des chaînes s'installent, sous quelle que forme que ce soit, cela ne signifie pas qu'elles domineront le paysage de la pharmacie, d'autant plus que celui-ci restera en grande partie régulé au niveau national. Les pharmaciens indépendants, dans toute l'Europe, connaissent leur clientèle et leur marché, et s'y adaptent bien mieux que des chaînes dont la prestation est identique d'une région et d'un pays à l'autre. «Nous devons nous battre sur la qualité, le conseil et l'information, et non pas seulement sur les prix. C'est ainsi que nous assurerons l'avenir, conclut-il. La peur est mauvaise conseillère, et nous disposons de nombreux atouts pour préparer la pharmacie du futur, dans le respect de notre indépendance.»
> DENIS DURAND DE BOUSINGEN
Et vive l'indépendance !
[Edité le 26/09/07 par Choupidoo]