Posté le 05/07/2017 � 03:59 puis édité
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Sans vouloir faire le juriste ou l'historien, l'esprit du texte réglementaire de 2010 à l'origine de la passerelle était :
- basé sur le constat de la Ministre de la Santé Roseline Bachelot, que la médecine connaît une pénurie de médecins compte tenu du départ en retraite des baby boomers et des déserts médicaux liés aux mouvements démographiques et à la volonté d'un nombre croissant de jeunes médecins de privilégier une certaine qualité de vie (entraînant choix de grandes villes, spécialités rémunératrices et moins contraignantes en terme de gardes ou de responsabilités),
- que le mode historique de sélection purement scientifique avec numerus clausus en P1 permet certes la sélection d'esprits brillants mais qui ne disposaient pas toujours d'humanisme, de capacité d'empathie, de gestion de la souffrance d'autrui et d'aisance à aborder la mort,
- de permettre à des profils d'origine, de formation et d'expérience de vie différentes, principalement venant des sciences humaines (philo, droit, psychologie, sciences politiques... ), d'intégrer la faculté de médecine en 2ème ou 3ème année s'ils justifiaient d'un bac +5 ou +7 dans leur domaine, d'une certaine expérience, et d'un projet cohérent avec la médecine.
En gros, faire le pari qu'un psychologue de 28 ans, un thésard en sociologie de 30, un avocat de victimes ou un ancien de science po ayant bossé au Ministère de la Santé, pouvaient avoir une vraie vocation du soin, la capacité de mener à terme des études de médecine si on leur évitait la rude sélection du concours P1 et donc, au final, de devenir des médecins comme les autres.
Cette passerelle n'avait pas vocation de sauver des étudiants ayant échoué en médecine puisque la nombre de droits de la candidater est inversement proportionnel au nombre de tentatives en P1 mais plutôt à ouvrir les études de médecine, dans une proportion limitée, à un public différent, iconoclaste, pas forcément à l'aise avec la chiralité des molécules composées de carbone, mais tout simplement animé de l'envie de soigner son prochain. Ce qui est la vocation première de tout médecin.
Je pense que certaines commissions, notamment Paris, ont joué le jeu au début (2011-2014). D'autres ont été d'emblée hostiles au projet. Certaines se sont finalement adoucies, beaucoup sont restées figées.
Je constate que l'esprit initial de cette passerelle a été progressivement écarté au profit d'une sélection plus rigoureuse et axée sur l'âge et le bagage scientifique du candidat plus que sur l'originalité de son parcours antérieur.
Loin de contester la légitimité des gens admis, que je félicite, je m'étonne toutefois de l'absence d'allocation totale des places prévues par le Ministère par les commissions (alors que ce nombre de places est très limité voire insignifiant au regard du nombre d'étudiants en médecine), de la rareté dans les gens admis de profils atypiques par leur âge plus avancé, leur parcours original, de leur histoire personnelle et leurs valeurs finalement compatibles avec la médecine.
Loin de moi l'idée d'insinuer que les personnes admises seraient illégitimes ou que leur parcours ne serait pas crédible, je les félicite à nouveau et leur souhaite de réussir ce beau projet.
Je m'étonne simplement de la part de plus en plus rare, du moins à Paris, de gens issus de parcours éloignés des sciences et de la médecine.
Aux États-Unis, il est courant de voir des gens de 45 ans voire de 60 sur les bancs de l'université.
Il y a encore quelques années une avocate de 38 ans, mère de deux enfants en bas âge, n'ayant jamais tenté P1 et ne venant pas d'un milieu médical a été admise. Elle a galéré en P2 mais est maintenant externe et épanouie, son âge plus avancé étant finalement un atout de crédibilité vis à vis des externes et des chefs de clinique.
La même année une prof de philosophie de 45 ans a été admise.
Je ne pense pas ne parler que pour moi quand je soutiens que présenter cette passerelle alors que l'on a un bac +5 voire plus, de l'expérience professionnelle (de qualité pour la majorité des gens que j'ai croisé sur ce forum), parfois des revenus confortables, une famille à assumer pour certains, ça n'est pas une lubie d'enfant gâté ou un défi.
C'est précédé d'une sacrée remise en question de soi avec la décision d'abandonner un certain confort, d'oser une prise de risque, la conscience de rétrograder en statut.
Tout ça parce que l'on a envie de soigner.
Alors quand on est 81 convoqués à Paris à l'oral pour 74 places et qu'ils n'en gardent qu'une trentaine à la fin et ayant rétoqué des gens que j'ai vu (plutôt lus) sur ce forum et qui avaient sans nul doute une réelle détermination à devenir un vrai et bon médecin, je suis perplexe et un peu déçu.
Parce que ça n'aurait pas coûté grand chose aux universités d'accueillir l'ensemble de admissibles. Au pire un redoublement de P2, quelques abandons mais c'est le cas des étudiants classiques.
Ça aurait sûrement permis de mettre un peu d'originalité dans ce domaine parce qu'au final un mec qui a été prof de philosophie pendant 10 ans et qui finit généraliste ou psychiatre à 35 ou 40 ans, ça enrichit le système. Parce que le mec aura une approche différente de par son histoire. Et ses lacunes initiales en biochimie sont totalement oubliées.
La médecine qui ne va déjà pas très bien entre disparités régionales de l'offre de soins, inégalités d'accès des citoyens aux soins selon leur milieu, manque de moyens du service public, préférence du confort de vie de certains médecins entrainant désertion des campagnes, trou de la sécu, vient certainement de passer à côté de personnes potentiellement merveilleuses pour contrer un peu ce système à bout de souffle.
Tout cala parce qu'une commission a décidé de ne pas allouer la moitié des places dont disposaient les facs de la région.
C'est con ! Et ça abîme beaucoup de candidats qui espérait pouvoir assumer leur vocation.
Dédicace à tous ceux qui ont osé tenter cette passerelle.
Félicitations aux admis qui l'ont tous méritée.
Félicitations aux recalés dont je fais partie, rien à regretter. Ca grandit forcément. Et au final c'est eux qui ont certainement raté quelque chose !
Et merci à ce forum qui apporte information, divertissement et soutien pendant cette longue procédure !
PS: Les Parisiens, dispo pour un apéro des admis, recalés, quand vous voulez!
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Benjamin - 37 ans - Avocat à Paris
Passerelle médecine 2017
1 P1 (2002) - Pas d'enfant