Posté le 23/12/2012 � 11:30
Salut,
Moi je suis étudiante en dernière année de dentaire en Roumanie. Je sors courant 2013.
J'étais venue sur ce site pour trouver un dentaire de France et avoir son avis sur un détail de ma thèse (l'avis d'un étudiant d'une faculté française aurait réellement pu m'aider) mais venant de découvrir toutes les horreurs dites sur nous ici, je me débrouillerai seule et j'ignorerai ce forum juste après vous avoir répondu.
Pour mon parcours: J'étais à Lyon il y a maintenant 6 ans. J'ai raté dentaire en carré de 3 places. Le jour le plus horrible de ma vie : les deux potes avec qui j'avais bossé pendant les 2 ans étaient reçues à 2 centièmes d'écart. En plus, contrairement à elles, moi je voulais vraiment dentaire ! Pas médecine initialement pour choisir dentaire par dépit... Bref, la vie en a décidé ainsi et j'ai cherché une solution. Vivre sur cet échec n'aurait servi à rien. La réorientation m'aurait tuée quand j'entendais parler de ce désert médical et voir tous ces gens faire dentaire par dépit.
Voilà comment après beaucoup de recherches, de stress, d'attente, je me suis retrouvée en Roumanie. Je vais cependant me permettre de vous dire une bonne chose, pour avoir vécu 6 ans plus tôt ce que vous vivez en ce moment, vous ne vous posez pas les bonnes questions.... posez-vous celles-là :
Où vais-je trouver l'argent pour financer 5000 euros par an de frais de scolarité et les 2000 euros annuels de frais de vie ?
Personnellement, Papa et maman n'étaient pas derrière moi pour l'aventure roumanie (ma mère est coiffeuse et mon père conseiller à la Poste) MAIS contrairement aux bêtises que je peux lire sur ce forum, j'y suis quand même arrivée !!!! Pas nécessairement besoin d'être fils de médecin pour s'en sortir en Roumanie, j'en suis la preuve vivante et ce cliché à la con n'a pas lieu d'être. Alors comment je fais ?je me suis endettée de 15 000 euros il y a 6 ans, j'ai bossé comme une damnée pendant mes grandes vacances (serveuse, maison de retraite etc) et j'ai aussi trouvé des jobs d'appoint en Roumanie (le smic est à 200 euros par mois mais je vivais avec ça mensuellement). Alors certes, ça n'a pas toujours été rose et j'étais fatiguée, j'ai plusieurs fois voulu tout plaquer mais je me suis battue. Je faisais des grosses journées mais j'ai toujours mis un point d'honneur à bosser correctement mes cours et mes TP (j'en ai passées des soirées de rab dans les salles de la fac ou chez le dentiste du coin de la rue quand il avait fini ses consults pour y arriver jusqu'à ce que le travail soit impeccable). Ensuite, mensuellement je vivais avec 200 euros par mois, c'est pas énorme mais ça passe à condition de prendre sur soi : habiter en camin à une 30aine d'euros par mois (les chambres universitaires ou on est 3-4 dans 20m², c'est petit mais j'y ai appris parfaitement le roumain et j'y garde d'excellents souvenirs), rentrer une fois par an en france (l'avion, c'est cher et moi je rentrais que pour les grandes vacances). Les étudiants roumains vivent avec moins que ça, ils s'en sortent...
Suis-je prêt à entendre les commentaires des gens qui jugent pendant mes 6 ans d'études et toute ma vie ?
Ce que vous pouvez lire sur ce forum ou entendre aux informations de la bouche du conseil de l'ordre, n'est rien ! Croyez moi, nombreux seront les gens de votre entourage à commenter. Je sais, c'est injuste mais c'est la vie et vous avez intêrêt à avoir un bon moral pour subir ça. Je dirais même que cette pression est bien plus douloureuse que celle qu'on a en P1. Ma famille au début était très sceptique, mes ''amis''de france se moquaient (je me souviens ils me disaient '' quand les Roms auront des dents, tu seras dentiste'' ), quand je faisais mes stages en France on me jugeait sans même m'avoir parlé ou vu pratiquer (le simple fait d’être un français en roumanie fait de toi un abruti). Il faut bien avoir conscience que même au début les roumains de la fac ne nous acceptent pas : on est les recalés de france qui viennent acheter un diplôme dans leur fac. Bon, fort heureusement quand ils passent au dessus de ce cliché ils apprennent à nous connaître et se rendent bien compte de toute l'histoire (de la difficulté du concours français et du fait que beaucoup d'entre nous on raté à des poussières) et du fait que nous sommes pas que des ignares acérébrés pleins aux as. Avec le temps et en prouvant qu'on est bons, les gens revoient leurs copies et maintenant mes très bons amis sont roumains… mais hélas, il faut constamment faire ses preuves. Le seul point positif, ça booste. J'ai travaillé mes cours comme une cinglée pendant mes années en Roumanie pour justement, prouver à tous ces gens que Non, je ne serai pas une « charcutière achetant un diplôme en Europe de l'est». Je ne suis pas sûre que j'aurais planché mes cours en étant aussi assidue à Lyon. Je suis même sûre du contraire quand je vois le parcours de mes deux potes qui ont eu le concours : l'une a arrêté, regrettant trop médecine et l'autre à passé sa 2ème, sa 3ème année et sa 4ème entre les WEI, les CRIT, la corpo et tout le tintouin, ne bossant finalement que pour les partiels. Maintenant, elle fait ses remplas et ne semble pas mauvaise pour autant (elle s'est rattrapée en clinique) mais elle a pris une grosse tête (et à mon sens parle comme une merde à ses patients), reconnaît ne pas trop aimé son taf (mais aime son Audi) et regrette un peu ses beuveries de falucharde. Je veux simplement dire par là que la fac française a ses qualités (indéniablement je pense que la formation y est de qualité) mais elle a également ses défauts et tentations extra-scolaires, il ne faut pas l'oublier... Des gens sortis de facs françaises font aussi des erreurs (on en fera tous et c'est pour ça qu'un peu d'humilité ferait du bien à certains) : c'est un dentiste français sorti de Paris 7 qui m'a prescrit un dérivé de pénicilline alors que j'étais allergique, c'est ma gynéco française sorti de Lyon qui ne me palpe pas les seins alors qu'elle ne m'a pas vue depuis 3 ans, c'est mon généraliste français sorti de Lyon qui ne se lave pas les mains entre deux patients, c'est le diabéto de ma mère (diabètique depuis sa naissance, comme sa mère et sa sœur) sorti de Paris qui me voit l'accompagner depuis mes 2 ans et qui n'a jamais eu l'idée de me demander si j'avais déjà fait une glycémie... Bref
Etes-vous prêt à passer beaucoup de temps à appendre une nouvelle langue pendant vos études?
De ce que je vois, vous vous posez la question de savoir si tout sera en français jusqu'à la fin mais... atterrissez ! Ici c'est le roumain la langue nationale et c'est en roumain que vous vous exprimerez à vos patients. Beaucoup de français ici râlent parce qu'à partir de la 4ème année, le cursus passe en langue roumaine mais c'est la moindre des choses. Pour rassurer un patient, il faut parler sa langue et lui expliquer ce que vous avez à dire dans sa langue! Exemple concret : J'ai vu un 3ème année à la clinique la semaine dernière qui voit une dame venant consulter pour un Torus Palatin. Il savait très bien expliquer la chose en français, nettement moins en roumain. Résultat, la patiente s'est inquiétée alors qu'il n'y avait pas de quoi. Crois-moi, l'étudiant s'est fait démonter par le professeur et s'est senti vraiment ridicule. Je pense que le soir même, il a ré ouvert ses cours de Roumain.
On a une si mauvaise réputation parce que certains français ici refusent de s'intégrer et d'apprendre la langue. Ils sont minoritaires mais ce sont eux qui pourrissent l'image générale de la France à l'étranger. Et pas seulement en médecine ! Les ingés français bossant dans les boites roumaines (qui touchent 2000euros par mois et vivent comme des pachats en roumanie) se comportent de la même manière... mais à un moment ou un autre, ça leur retombe sur la tronche et regrette amèrement de ne pas s'être intégré dès leur arrivée.
Alors la vraie question est plutôt de savoir : Etes vous prête à bosser dur pour être à la fois compétente avec un patient roumain et un patient français ? C'est loin d'être aisé ! On a beau dire que les termes médicaux se ressemblent, il n'y a pas que ça. Il faut que les abréviations d'examen sortent du tac o tac (il y a des nuances dans certaines procédures, certains examens entre france et roumanie), que vous connaissiez les DCI et les noms de labos français et roumain et dans le cas de la dentisterie, le nom de tous les intruments en roumain et en français (de tous les PIR, le nom des fraises, le matos de chir etc), les agents de scellement, maitriser l'équivalent de ''Julie'' et ''visiodent'' sur les logiciels roumains
Tout ça est loin d'être inné et il faut vraiment vous mettre en tête que plus vite vous parlerez roumain, plus vite vous vous intégrerez, plus vous en saurez et moins vous vous ridiculiserez. Personnellement, à l'heure actuelle je sais communiquer correctement tant avec les patients que les collègues et c'est vraiment plaisant de ne pas passer son temps à chercher ses mots ou à se demander ce que telle ou telle abréviation peut bien signifier. Les patients vous font tout de suite confiance et c'est agréable. Vous bossez efficacement.
Et même si vous avez en tête de revenir en france après vos études et que vous vous dites que le roumain ne vous servira pas, vous avez tort. Ceux qui jouent à ce jeu là se plantent : ils ne s'intégrent pas, restent qu'entre français et s'entretuent. Ils se ridiculisent devant les patients, les professeurs, retappent ou sont dégagés, bref pour l'avoir vu chez certains, je vous le déconseille sous tout point de vue.
Etes-vous prêt à vivre 6 ans dans un pays plus pauvre, avec une culture différente ?
Contrairement aux bêtises sorties par les journalises, la roumanie ce n'est pas Beyrouth et il n'y a pas que des Roms et il n'y a pas franchement plus d'insécurité qu'ailleurs. Toutefois, ce n'est pas la France non plus Ici le système de santé est merdique, les patients n'ont pas de thune et c'est une galère innommable. C'est une expérience humaine inestimable de rester ici autant de temps, vous en apprendrez beaucoup sur vous-même et sur les vraies valeurs de la vie mais ce n'est pas toujours simple. Vous verrez des tas de gens en galère qui bossent comme des cons 70heures par semaine pour trois fois rien. Vous verrez des gens mal soignés à un stade impressionnant. Votre famille et vos potes français seront loin pour parler de tout ça, vous serez un peu seuls à des milliers de kilomètres. D'où le fait de vous intégrer et les roumains sont très chaleureux, ils vous montreront cette galère avec leur regard et vous relativiserez beaucoup !
Toutes les informations officielles sont sur les sites de chaque fac. Je vous conseille vraiment d'intégrer les sections anglophones, plus que francophones (ce que j'ai personnellement fait). Il vous faut votre TOEFL (mais ça se passe bien). Je dis ça pas pour une question de niveau mais pour une question de diversité. Les sections francophones regroupent surtout des arabes et des français. Les sections anglophones regroupent une 15aine de nationalités différentes et c'est très enrichissant (C'est ainsi que j'ai pu faire un stage dentaire à Berlin et un autre en Autriche, aidé par mes copains de promo). Qui plus est, en section anglophone, les bouquins de référence viennent des states et du coup, vous perfectionnez votre anglais. Moralité, à la fin et si vous avez bien taffé, vous maîtrisez le français, le roumain et l'anglais. De toute façon en dentaire, en 4ème année toute la section étrangère est mélangée avec la section roumaine. Tout le monde est ensemble, avec les mêmes profs.
Enfin, question ''amusement'', les facs roumaines sont dans les villes étudiantes. Donc, comme toutes les villes étudiantes il y a de quoi faire du sport (moi je fais de l'escalade et de la natation), du shopping, il y a des cinés, bars et des boites. De temps en temps, ça fait du bien mais si vous avez une conscience, vous limiterez les beuveries histoire de bosser. La fac roumaine est moins portée sur les délires carabins dégueux (genre je n'ai jamais vu un truc similaire aux délires de faluchard ici, pourtant je connais bien). En roumanie, il n'y a pas vraiment les grosses beuveries méd qui regroupent tout le monde (des P2 hystériques jusqu'aux internes épuisés), c'est plus bon enfant (genre un petit bal de promo à la fin de l'année) et même si tu peux te mettre ici aussi des cuites, c'est plus entre potes dans un bar (ou tu finis en mode karaoké et pas en payant ton c** devant tout le monde héhé)
Voilà ce que je peux vous dire honnêtement. C'est un pavé un peu assommant que je vous ai fait, mais sincère.
Je vous souhaite bon courage pour vos démarches. Allez sur les sites officiels des facs, pas sur les pages non officielles de mecs qui vont tout vous organiser contre rémunération. C'est de la bêtise ça et ne vous laissez pas embobiner. Ils profitent du manque de débrouilladirse des français pour vous faire vos inscriptions, vous trouvez un appart , vous trouvez un prof de roumain où je ne sais quoi (bref vous mâchez le travail)... Mais les frais de scolarité sont déjà assez chers sans en plus allez donner de l'argent à ces gars qui n'ont rien à voir avec les admissions officielles des facultés.
Bonne journée
Julie
PS : pour te répondre Marinee, moi je ne rentrerai pas en France et je souris quand je vois tous ces médecins ou dentistes français qui viennent nous voir la queue entre les jambes pendant nos soutenances de thèse pour essayer de nous refiler leur cabinet. Ils sont dans la merde et c'est seulement quand on peut leur servir qu'ils arrêtent de nous critiquer et viennent nous chercher à la source... Alors mon choix est définitif, jamais je ne bosserai au coté de ces gens dans mon pays natal. J'ai eu ma nationalité roumaine (car j'ai passé 6 ans sur le territoire, que je parle la langue et que j'ai eu l'épreuve de culture générale). Je suis enceinte d'un petit garçon que j'ai eu avec un roumain et nous nous marions en Mai. Je vais aller travailler dans les carpates avec son frère, dentiste.
En conclusion, le destin n'a pas voulu me donner ces quelques centièmes de points il y a 6 ans mais je pense qu'avoir raté ce concours est peut-être le plus beau cadeau que la France m'ait fait.